Entretien avec Ronan Le Moal, Directeur Général du Crédit Mutuel Arkea.
Cet article est extrait du livre blanc « L’évolution du Modèle Bancaire à l’ère du Digital » téléchargeable gratuitement sur ce blog.
Les FinTech représentent-elles une menace ou une opportunité pour les acteurs traditionnels de la banque et de l’assurance?
La question reste ouverte mais ne peut en aucun cas être circonscrite à une simple lutte à mort entre « Anciens » et « Modernes » : entre des banques, lestées par l’hyper-règlementation et des réseaux physiques de plus en plus délaissés par les clients, et de jeunes pousses agiles et innovantes qui surfent sur la technologie et le digital pour bousculer l’ordre établi. Sans oublier qu’à l’émergence de ces FinTech s’ajoute l’appétit de nouveaux entrants – Google, Paypal, Apple, Amazon, Orange Money pour ne citer que les principaux – qui disposent d’une puissance de frappe colossale et envahissent les métiers des flux (paiements, transferts) mais aussi la distribution de l’épargne ou le crédit. Avec en filigrane l’enjeu de la gestion des données clients et le risque potentiel de voir des banques reléguées in fine au rang de simples fournisseurs de services supports.
La seule certitude, à l’heure actuelle, est que le secteur bancaire vit une profonde transformation qui ébranle les positions acquises et rend caducs les modèles économiques traditionnels.
Nous sommes désormais confrontés à des innovateurs qui, focalisés, sur un maillon de la chaîne de valeur, créent de profondes ruptures – « ou disruptions » pour reprendre l’acception d’usage – dans les modes de relation bancaire (plates-formes de crowdfunding, places de marché, paiements sur mobile, robot-conseiller…).
« Les FinTech sont des aiguillons utiles qui doivent stimuler notre créativité, notre audace, notre niveau d’exigence et accélérer notre remise en cause. »
En posant un regard neuf sur nos métiers, en privilégiant le besoin au produit, les FinTech sont des aiguillons utiles qui doivent stimuler notre créativité, notre audace, notre niveau d’exigence et accélérer notre remise en cause. A la fois gisements d’innovation et leviers de transformation, elles sont, de toute évidence, le meilleur moyen de rester à la pointe de la technologie, des modes de consommation et de faire face à des exigences toujours plus fortes des clients, dans un contexte de désintermédiation progressive.
Leur créativité nous invite à créer et à explorer de nouvelles formes de collaboration, dans une démarche de co-construction pérenne. C’est la voie que le Crédit Mutuel Arkéa a choisie d’emprunter depuis déjà plusieurs années et qui en fait aujourd’hui un interlocuteur de référence dans l’écosystème numérique.
L’acquisition de Leetchi l’an passé en est une nouvelle démonstration. Sa solution Mangopay est complémentaire de l’offre de paiement en ligne développée par notre filiale Monext et ouvre de belles perspectives dans un contexte de rapide développement des places de marché. L’acquisition de Leetchi obéit à la même logique que nos précédents investissements dans Younited-Crédit, Linxo ou Yomoni.
Le succès des FinTech nous incite à réinventer notre métier de banquier. Tout en intégrant la composante technologique et digitale, notamment dans le format des agences et la gamme de services qu’elles proposent, les banques doivent se recentrer sur deux « fondamentaux » de leur métier : la gestion du risque et le conseil à forte valeur ajoutée, en privilégiant l’expérience client.
Car, ce que le numérique nous démontre, c’est qu’au fur et à mesure que le transactionnel se digitalise, au fur et à mesure que le marketing digital se fait plus puissant, le client, notre client, a besoin de trouver une expérience qualitativement irréprochable lorsqu’il doit interagir avec son conseiller.
« Il est toujours tentant d’opposer les « nouveaux modèles » aux « anciens ». Il est sans doute plus intéressant de se demander en quoi ils peuvent être complémentaires… »
Il ne s’agit pas de la relation intuitu personae qui est très largement ressentie comme positive par notre clientèle. Non, ce qui est en jeu, c’est la promesse, portée par l’établissement, lorsque l’on touche à des moments clés d’une existence : achat immobilier, préparation de la retraite, transmission, succession… Il est toujours tentant d’opposer les « nouveaux modèles » aux « anciens ».
Il est sans doute plus intéressant de se demander en quoi ils peuvent être complémentaires, comment leur alliance permet de préparer l’avenir d’une industrie. Je crois dans la croissance forte (déjà avérée !) de Fortuneo Banque – une « vieille » Fintech filiale de notre Groupe – dans les années qui viennent. Mais, je crois aussi à un modèle de proximité, irréprochable d’un point de vue de l’exécution, et sachant se rendre indispensable par sa bienveillance dans les moments clés.
C’est à ce mariage du meilleur des deux mondes que nous travaillons sans peur de la nouveauté et avec la conviction qu’il nous faut essayer des voies nouvelles pour réinventer notre modèle. Il faudra tenter des choses, parfois échouer et sans doute pivoter plus d’une fois. De ce point de vue, l’agilité, l’appétence technologique sont des atouts sur lesquels nous comptons bien capitaliser à l’heure où je crois fondamentalement que le concept de « taille critique » est totalement dépassé. On peut être grand sans être gros, c’est ce que nous apprennent les start-up avec lesquelles nous collaborons.
Elles sont un exemple dont on peut s’inspirer pour garder à l’esprit et imprimer dans nos actes ce qui fait toute la différence pour réussir, surtout en période de grandes mutations, l’esprit d’entreprendre ! Entrepreneur de la banque et de l’assurance, c’est ce que nous voulons être au Crédit Mutuel Arkéa parce qu’avant d’être un établissement financier, nous sommes une entreprise qui veut saisir toutes les opportunités – et les Fintechs en sont une – que les mutations actuelles permettent.
Diplômé d’HEC, Ronan Le Moal est Directeur Général du Crédit Mutuel Arkea.
Cet article est extrait du livre blanc « L’évolution du Modèle Bancaire à l’ère du Digital » téléchargeable gratuitement sur ce blog.